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Pourquoi les radicaux en veulent à la démocratie représentative

Alors que les Burundais cheminent vers le vote par référendum d’une nouvelle constitution le 17 Mai 2018, les opposants radicaux rechignent à cette consultation populaire. NZAMBIMANA Fridolin, VYUKUSENGE Augustin et Dr INGABIRE Thierry sont revenus dans leur article sur cette attitude qui ne date pas d’hier.

La période de 1961 à 1993

A la veille de l’indépendance, proclamée le 1er juillet 1962, les burundais nourrissaient d’espoir d’avoir enfin une nation indépendante et souveraine, de nouer avec la démocratie et de pouvoir bâtir une nation prospère où chaque citoyen vivra paisiblement en toute dignité et respect.

Le Prince Louis Rwagasore, par son charisme politique inégalable et sa vision, avait pu rassembler toute composante de la société burundaise que le colon avait fortement divisée. Hutu, Tutsi, Ganwa et Twa ensemble, main dans la main, se retrouvaient au sein de l’UPRONA dans la lutte pour une indépendance immédiate du Pays et dont les efforts étaient quotidiennement torpillés par le Parti Démocrate-chrétien qui était à la botte de la Belgique.

Ainsi, face à l’effervescence populaire qu’impulsait le Parti du Prince Louis Rwagasore incarnant l’unité du peuple, l’administration coloniale entreprit des mesures visant à saborder ses activités. Lors des élections communales de décembre 1960, la Belgique ne ménagea aucun effort pour faire gagner le PDC dans un scrutin entaché de fraude, de discrimination et d’intimidation.

Le peuple prit sa revanche une année plus tard lors des élections législatives du 18 Septembre 1961 scrupuleusement surveillées par les Nations Unies. Le résultat du vote consacra une écrasante victoire et sans appel du parti UPRONA et le Prince Louis Rwagasore devint  Premier Ministre. Malheureusement, les perdants qui eurent du mal à digérer  ce camouflet l’assassinèrent le 10 octobre 1961, ce qui signa le début d’un long calvaire qu’endurera le peuple burundais et plus tard après l’accession à l’indépendance dans un climat d’antagonisme ethnique et idéologique, de l’élimination successive des compagnons du Prince. Cette situation va marquer l’entrée en force des groupes extrémistes radicaux et la succession des régimes autocratiques et oppressifs meurtriers qui n’avaient aucun contrat social avec la population.

La période de 1993 à 2005

C’est vers les années 1991 que le Burundi s’achemina vers des changements constitutionnels et institutionnels importants qui allaient constituer certainement la base sur laquelle le peuple Burundais pourrait construire un pays qui soit réellement un havre de paix , de liberté et d’épanouissement de tous sans suspicion mutuelle entre les fils du pays et sans risque de dérapages comme le redoutaient certains. Tout cela bien sûr à une condition pourvu que tous ces changements soient pensés par tous et menés dans l’intérêt de tous. Ces changements indispensables et inéluctables tournaient autour de la démocratie pluraliste où, à contrario d’un régime monopartite, les acteurs et les protagonistes se devaient de procéder loyalement et de se soucier davantage de mettre sur pied un système droit juste et viable au lieu d’être uniquement obnubilés par le souci de consolider ses propres positions et d’assouvir ses propres ambitions.

Le parti UPRONA s’affichait comme le pont sur lequel passeraient toutes les réformes attendues, se comportait comme si les choix étaient déjà faits et allait à l’encontre des mises en garde qu’il ne cessait d’adresser aux démocrates conséquents qu’il qualifiait de « pressés » et qu’il tentait d’assommer par une campagne anticipée et subtile et par des menaces proférées par la fraction radicale .Cette attitude déloyale était de nature à compromettre la stabilité que le peuple cherchait à atteindre avec l’objectif de conduire le pays dans la voie d’une gestion démocratique pluraliste.

L’adoption de la charte de l’unité nationale lors du congrès extraordinaire de l’UPRONA qui fut ensuite votée par voie référendaire s’annonçait comme un succès sur lequel il allait surfer pour gagner les élections générales de 1993.Certes que les burundais avaient besoin réellement d’une plateforme idéologique qui soit la base et la référence de tout ce qui devait et pouvait être fait pour construire le Burundi.

Malgré les intimidations et les violences verbales et les tentatives d’assassinat pendant la campagne électorale, le 1er juin 1993 le Peuple Burundais s’est rendu aux urnes pour se choisir librement et en toute transparence le Chef de l’Etat. Un choix qui a  porté sur M. Melchior NDADAYE, candidat du parti SAHWANYA-FRODEBU soutenu également par d’autres forces de changement dont celles des Partis P.P. (Parti Populaire), R.P.B. (Rassemblement du Peuple Burundais) et P.L. (Parti Libéral), sans oublier tous ceux qui, nombreux  militaient dans d’autres organisations politiques ou sociales  œuvrant pour le changement.

Malheureusement, cette démocratie qui venait de renaitre n’aura pas duré car dans la nuit du 21 octobre 1993 les plus hauts responsables de l’Etat à commencer par Son Excellence Monsieur NDADAYE Melchior et ses collaborateurs dont Messieurs KARIBWAMI Pontien et Gilles BIMAZUBUTE,… tombaient sous les balles et les coups de baïonnettes des éléments issus d’une armée fortement ethnisée, régionalisée et même clanisée qui visait à mettre fin à l’expérience démocratique qu’incarnait depuis le 10 juillet 1993 le Burundi Nouveau. Il s’en suivra un véritable engrenage de la violence dont le point commun était constitué de massacres interethniques. Des milliers de burundais meurent uniquement parce qu’étant de telle origine ethnique ou alors de telle appartenance politique.

Des négociations de Kigobe-Kajaga-Novotel entachées de vices de toute sorte qui ont abouti le 10 septembre1994 à la signature d’une”Convention de gouvernement” ont été menées entre les putschistes et certains politiciens au moment où le canon tonnait à KAMENGE, KINAMA, BUJUMBURA RURAL, etc.

Ainsi, des militants appartenant à divers partis politiques opposés à ladite Convention qui se plaçait au-dessus de la Constitution et confisquait les acquis électoraux de juin 1993 en consommant de manière rampante le putsch violent du 21 octobre 1993 se regroupèrent au sein du CNDD, à son actif la structuration de la résistance populaire spontanée, en une force structurée et disciplinée, les Forces pour la Défense de la Démocratie, FDD en sigleLa lutte pour la restauration de la démocratie sera rude et longue et débouchera en 2003 à la signature de l’accord global de cessez-le-feu entre le mouvement CNDD-FDD et le gouvernement de transition issue des accords d’Arusha signé le 28 Août 2000.

La période de 2005 à 2018

De l’accord d’Arusha justement. Pendant que le microcosme politico-militaire était autour de la table afin de  trouver un compromis pour mettre fin à une décennie de crise violente et sanglante, certains politiciens véreux s’étaient érigés en porte-parole de leurs communautés. C’est ainsi qu’il se forma des groupes à majorité Tutsi d’un côté et des groupes à majorité Hutu de l’autre. Deux grandes tendances politiques, G10 autour de l’UPRONA et G7 autour du FRODEBU, étaient convaincues que les revendications dont elles étaient porteuses concordaient avec les aspirations des peuples qu’elles se targuaient d’être défenseures alors qu’elles ne l’avaient pas consulté.

En institutionnalisant de manière officielle l’ethnicité au Burundi, ces deux tendances politiques croyaient pouvoir en tirer profit dans le futur mais se sont vues impuissantées par la venue du CNDD-FDD qui s’est constitué en une formation politique centrale transcendant l’ethnicité. De 2005 à 2015 en passant par 2010, le CNDD-FDD n’a pas été élu parce qu’il était un parti majoritairement hutu mais parce qu’il a su convaincre par son programme politique et sa vision socio-idéologique. Le projet fédérateur dont il était/est porteur lui a permis/permet de rassembler les gens de toutes les sensibilités ethniques et de toutes les couches sociales et de là rallier le plus de monde possible à sa cause. Il n’a donc pas peur de consulter le peuple car c’est lui qui a fait de lui ce qu’il est aujourd’hui et qui lui a fait arriver là où il est aujourd’hui. Parce que lui seul connaît, mieux que les élus et l’élite, où réside sa volonté et ses intérêts. Ce n’est pas l’Accord d’Arusha qui l’a placé au pouvoir. Seulement, cet accord lui a permis de gouverner et de garder sa ligne centrale et neutre sur l’ethnicité.

C’est cette centralité du parti CNDD-FDD qui a frustré les politiciens d’antan et qui a fait qu’ils perdent foi en la démocratie représentative. La défaite électorale enregistrée par l’opposition en 2010 lors des élections communales après lesquelles elle a boudé le reste du processus pour plus tard se constituer dans l’ADC-Ikibiri, est venu pour renforcer la méfiance que les radicaux avaient vis-à-vis de toute procédure impliquant directement la consultation du peuple parce qu’ils n’ont jamais su comment lui parler et beaucoup surtout pourquoi il faut lui parler. En 2015, ce fut de même. Des personnalités, cette fois-ci, politiques et activistes de la société civiles qui savaient n’avoir aucune chance de remporter les élections se sont trouvés et nommés un prétexte de « 3ème mandat de Nkurunziza » pour conquérir le pouvoir politique par le chaos et le désordre. Elles se constituèrent en CNARED qui se montra au fur des années en une coalition des perdants qui n’ont rien en commun politiquement et idéologiquement.

Ils détestent la démocratie représentative. Les radicaux. C’est leur bête noire. Ils savent qu’ils n’ont aucune chance de gagner la confiance du peuple. Ils ont raison de s’acharner au CNDD-FDD car incarnant la volonté du peuple. Ils ont également raison d’en vouloir à la démocratie représentative parce qu’elle a permis au CNDD-FDD de prendre les affaires et de s’imposer. Ils ont été toujours perdants car ils ne proposent aucune alternative. Critiquer c’est bien, mais proposer c’est mieux. Ils sont doués pour ce premier et médiocre sur ce dernier. Ils sont cloîtrés dans les rêves d’autre fois. Et il y a une grande différence entre rêve et réalité. Ils ne gagneront jamais tant qu’ils n’auront pas appris que la politique a changé de terrain depuis des lustres et que le respect du verdict populaire est que la réalité a pris le pas sur le rêve. Voilà donc pourquoi ils font tout pour déposséder au peuple son rôle de souverain.

Les opinions exprimées dans ce contenu n’engagent que la responsabilité de ses auteurs.

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2 Comments

  1. Vous avez oublié des massacres à caractère génocidaire qui ont toujours suivi les élections. Il faut aussi comprendre que ces loosers ont un sentiment nostalgique du pouvoir. Ajouter aussi la main des occidentaux avec un oeil de lynx sur le sous sol.

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